Interview in La Libre

La confiance entre la N-VA et le CD&V n’a jamais été aussi faible” (La Libre Belgique – 14.04.2017)
La grosse polémique du moment, on la doit à Zuhal Demir. La nouvelle secrétaire d’Etat N-VA à l’Egalité des chances déclarait dimanche dernier que le CD&V était “le nouveau parti des musulmans” et qu’il considérait ces derniers comme du “bétail électoral” . “Ce qu’elle a dit, c’est inouï , réagit Eric Van Rompuy, le bouillant député CD&V. Ça fait 40 ans que je fais de la politique, je n’avais jamais entendu ça.”

Cela dit, on dirait que la polémique est déjà éteinte.

L’incident est loin d’être clos. Mardi prochain, Zuhal Demir vient présenter sa note de politique générale au Parlement. Ses propos seront discutés aussi. Wouter Beke (président du CD&V) a demandé qu’elle présente ses excuses.
Sur le fond, Mme Demir pointait la proximité de certains membres de votre parti avec les idées d’Erdogan.
Dans notre parti, il y a des gens d’origine turque, comme dans tous les partis. Ils ont évidemment des contacts avec leur communauté. Mais de là à tenir de tels propos… En fait, le but de la N-VA n’est pas de dire la vérité. Ils sont populistes, à l’image de Donald Trump aux Etats-Unis. Ils veulent créer la perception que le CD&V n’est plus un parti chrétien mais le parti des musulmans. C’est purement électoraliste.

La N-VA est votre partenaire de coalition. La jugez-vous déloyale ?

Ce n’est pas seulement une question de déloyauté, c’est pire que cela. Zuhal Demir est secrétaire d’Etat à l’Egalité des chances. Sa fonction consiste à lutter contre les discriminations. Ce qu’elle a dit sur nous, même Filip Dewinter (Vlaams Belang) ne l’aurait pas dit. Mais tout cela fait partie d’une stratégie.

Expliquez-vous…

Le communautaire ne sera pas l’enjeu des élections en 2019. Le séparatisme n’est plus perçu comme une issue. La N-VA l’a laissé tomber. Même chose pour le socio-économique. Elle avait dit qu’elle diminuerait facilement le niveau des dépenses publiques de 55 % du PIB à 50 %. Vingt milliards d’euros en cinq ans. Or, on en est à 1,5 %. Leur nouveau tableau de marche consiste dès lors à se profiler sur l’asile, l’immigration, la sécurité. Mais la N-VA ne fait que jouer sur les perceptions. Montrer que, eux, ils sont pour un pouvoir fort. C’est ce que j’appelle le populisme : créer la perception que, eux, ils ont raison, et que les autres ont tort. Ils polarisent l’opinion publique. La N-VA est en campagne permanente.

Dans ce contexte, pourriez-vous faire tomber le gouvernement ?

Non, parce qu’il y a d’autres enjeux.

Mais y a-t-il encore de la confiance entre la N-VA et le CD&V ?

Cela se voit que la confiance n’a jamais été aussi faible.

Le Premier ministre Charles Michel (MR) a “recadré” Zuhal Demir après ses déclarations. Est-ce suffisant, selon vous ?

C’est aussi très difficile pour lui. Il a déjà sorti le carton jaune. Deux fois contre Theo Francken (secrétaire d’Etat N-VA à la Migration), deux fois contre Demir. S’il sort le carton rouge, ça se retourne contre lui, ça voudra dire que c’est lui qui doit sortir du terrain. Les élections anticipées ne sont pas une option avec, en embuscade, un PTB dont le programme coûte 50 milliards d’euros, qui veut nationaliser les banques et s’attaquer aux multinationales. C’est incroyable que dans les temps modernes, le PTB puisse devenir le premier parti de Wallonie. Et c’est très mauvais pour l’opinion publique flamande qui a l’impression que les communistes vont envahir la Wallonie. C’est du pain bénit pour la N-VA.
Le gouvernement s’est engagé à atteindre l’équilibre en 2018. On est loin du compte.
Le gouvernement a permis une relance de l’emploi en améliorant la compétitivité. C’est positif pour le budget, mais cela n’empêche pas qu’il faudra de la chance pour atteindre l’équilibre en 2018. Le déficit est à 2,7 % en 2016. Le gouvernement veut atteindre 1,7 % en 2017, mais ce sera déjà bien si on fait 2 ou 2,2 %. Le problème, c’est 2018. Il faudra trouver 6,5 milliards d’euros, selon le Bureau du plan.

L’échéance de 2018 est impossible à tenir, non ?

Personne n’ose le dire… En tant que président de la commission Finances, je peux juste dire que ce sera très difficile, voire impossible. Mais c’est au gouvernement de se prononcer sur la trajectoire budgétaire.

Où en est-on sur la réforme de l’impôt des sociétés (Isoc) et la taxe sur les plus-values ?

Le gouvernement négocie. Pour l’Isoc, le plan de Van Overtveldt (ministre N-VA des Finances) prévoit une diminution qui coûte 4,5 milliards d’euros sur les 13 milliards que rapporte l’impôt des sociétés. Les entreprises voudront garder leurs déductions fiscales (sur les investissements, les voitures, etc.). Mais baisser le taux sans compensation, c’est difficile. Gwendolyn Rutten (présidente de l’Open VLD) et Van Overtveldt disent que la réforme ne doit pas forcément être neutre budgétairement, mais alors il faut assumer que le déficit budgétaire n’est plus une priorité.

Un accord global Isoc/plus-values est-il encore possible ?

Je l’espère. Le Premier ministre s’y est engagé. On le promet pour l’été ou le mois de novembre. Pour la taxe sur les plus-values, le CD&V ne demande pas de taxer les riches. Simplement de taxer les grosses ventes d’actions par les entreprises. Les particuliers et les épargnants ne sont pas visés. Nous visons les grandes transactions. Maggie De Block (ministre Open VLD de la Santé) parle de sa maman pensionnée et Bart De Wever dit que cela va nuire à l’économie et aux PME… Ils essaient de nous mettre dans le sac des syndicats, des anti-entreprises, mais cela ne correspond pas à la réalité. On peut trouver un grand compromis si tout le monde met de l’eau dans son vin.